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Dans une époque où l’on court après le bien-être comme après une promo sur les billets d’avion, une question mérite qu’on s’y arrête : prendre soin de son corps, est-ce finalement prendre soin de son histoire ?
De plus en plus d’experts en psychologie, en médecine et en développement personnel s’accordent sur une évidence : notre corps n’est pas seulement une enveloppe charnelle, il est aussi l’archive vivante de notre passé. Chaque cicatrice, chaque ride, chaque douleur chronique raconte une part de nous. Alors, au-delà des crèmes hydratantes et des séances de sport, s’occuper de soi, c’est peut-être aussi honorer son parcours de vie.
Notre corps enregistre tout : les joies, les peines, les traumatismes. Ce n’est pas une simple métaphore poétique, c’est une réalité scientifique. Une douleur au dos peut être liée à un stress répété. Une tension dans la mâchoire peut raconter des années passées à serrer les dents, au sens propre comme au figuré. Même nos postures en disent long : épaules voûtées, signe de fatigue émotionnelle ou de manque de confiance.
Le psychiatre américain Bessel van der Kolk a popularisé cette idée dans son best-seller Le corps n’oublie rien. Selon lui, les traumatismes psychologiques s’impriment dans les muscles, dans le système nerveux, et influencent notre manière d’habiter le monde. Autrement dit : prendre soin de son corps, c’est aussi réconcilier le passé et le présent.
Soyons honnêtes : les réseaux sociaux et l’industrie cosmétique nous vendent souvent le soin du corps comme un simple moyen d’atteindre un idéal esthétique. Or, le véritable enjeu est ailleurs.
S’offrir un massage, pratiquer le yoga, aller courir ou simplement marcher dans la nature, ce n’est pas seulement brûler des calories. C’est se réapproprier son histoire corporelle, renouer avec des sensations parfois oubliées, réapprendre à respirer. La beauté n’est donc pas qu’une affaire de miroir. Elle est aussi une mémoire de gestes et d’attentions envers soi-même.
Prendre soin de son corps, c’est aussi prendre soin de l’héritage qu’on porte en soi. Notre ADN est rempli de récits : celui de nos parents, de nos grands-parents, de leurs habitudes alimentaires, de leurs modes de vie.
Certaines maladies cardiovasculaires, certains diabètes ou cancers se transmettent en partie par la génétique. S’occuper de son corps, ce n’est donc pas seulement un geste individuel, c’est aussi rompre avec un héritage parfois lourd pour réécrire une nouvelle page.
Quand on mange mieux, quand on bouge davantage, on ne le fait pas seulement pour nous : on le fait pour nos enfants, pour leur montrer que prendre soin de soi est une forme de transmission positive.
La plupart du temps, nous percevons notre corps comme un outil : il doit nous emmener d’un point A à un point B, courir, travailler, tenir le coup. Pourtant, quand il « lâche », il nous envoie un message clair : il est temps d’écouter.
La méditation, la sophrologie, les thérapies somatiques proposent justement de faire parler le corps. Pas pour l’opposer à l’esprit, mais pour reconnaître qu’il est le premier témoin de notre histoire intime. Une simple cicatrice peut devenir un récit : celle d’une chute enfantine, d’une opération salvatrice, ou d’un combat gagné contre la maladie.
Au-delà de l’individu, notre corps s’inscrit dans une mémoire collective. La peau bronzée qui rappelle les étés d’enfance, les mains marquées d’un métier manuel, les rides d’un rire partagé… tout cela raconte l’histoire d’une époque, d’une génération.
En prendre soin, c’est ne pas effacer cette mémoire, mais la respecter. Ce n’est pas une question de lutter contre le temps, mais d’apprendre à l’apprivoiser.
Bouger régulièrement n’implique pas forcément de courir un marathon : marcher, danser, s’étirer, c’est déjà honorer son corps. Bien dormir répare le corps et trie les souvenirs. Manger en conscience, c’est privilégier des aliments qui nourrissent autant le corps que l’esprit. Écouter ses signaux, qu’il s’agisse de douleurs, de tensions ou de fatigue, permet de relier le présent au vécu. Et enfin, se faire accompagner par un psy, un kiné, un ostéopathe ou un coach peut aider à relier le corps et l’histoire.
Alors, prendre soin de son corps, est-ce prendre soin de son histoire ? La réponse est oui. Parce que le corps est bien plus qu’un véhicule : c’est notre bibliothèque vivante, remplie de chapitres écrits à la première personne.
S’occuper de lui, ce n’est pas céder à une mode. C’est respecter le passé, améliorer le présent et préparer l’avenir. Et au fond, peut-être que la vraie beauté n’est pas dans le reflet du miroir, mais dans la manière dont on accepte que notre corps soit le témoin fidèle – parfois cabossé, parfois lumineux – de notre propre roman de vie.
Écrit par: Marine Ulzio
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